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De quelques mutilations ...

Ablation des seins

L'ablation des seins

N'aurait-il pas mieux valu donner à cette effroyable mutilation l'appellation plus juste de supplice mortel, que de la ranger au nombre des châtiments corporels n'entrainant pas la peine de mort. En effet, ce procédé était tellement barbare que la grande majorité des malheureuses qui le subissaient, n'en supportaient pas les suites. Dans l'antiquité, cette mutilation était appliquée généralement aux chrétiennes, et les persécutions romaines offrirent un nombre infini de victimes au couteau des exécuteurs. Aucun châtiment n'est aussi brutal et inesthétique que l'ablation des seins ; si la chose n'était pas aussi tristement sérieuse, on pourrait sourire de la naïveté de Sagittarius qui affirme avec dignité que tous les anatomici sont d'accord pour dire que c'est à cause de la subtilité des veines que la sensation douloureuse est aussi prononcée dans les seins de la femme. Non, ce ne sont pas les subtils vaisseaux sanguins qui provoquent une aussi violente sensation, mais ce sont les centres nerveux. Au fond, c'est bien la même chose ; qu'une extrême sensibilité règne dans les organes lactifères de la femme, cela était évidemment connu dès les temps les plus reculés, aussi l'idée de mutiler ces organes en est-elle d'autant plus abjecte. L'ablation ou l'arrachement des seins n'était pas une peine déterminée, appliquée à un crime prévu ; cette inhumanité fut surtout employée contre les femmes chrétiennes qui se refusaient à abjurer leur foi.

La façon dont on traitait ces malheureuses dépasse toute description. On ne leur coupait pas les seins purement et simplement, mais on les frappait, on les tirait, on les écrasait même, avant de les couper. Suivant les écrits d'anciens auteurs, les innocentes femmes étaient traitées d'une façon tellement sauvage, et l'ablation de leurs seins était pratiquée avec tant de cruauté qu'on pouvait leur voir le cœur battre au milieu des chairs arrachées. Quelquefois on leur enfermait les seins dans une sorte de boîte et on les écrasait avec le couvercle. De tous temps le sort des femmes fut plus dur que celui des hommes. De tous temps la brutalité la plus féroce s'exerça contre elles avec d'autant plus d'acharnement qu'elles opposaient moins de résistance. Les supplices qu'elles subissaient aussi bien au Moyen Age que dans l'Antiquité, font frémir, et il était rare que des hommes dussent supporter ce qu'on appliquait généralement aux femmes. Ainsi, l'ablation, l'arrachement, l'écrasement des seins est une torture tellement douloureuse qu'aucun supplice ne saurait l'égaler. Dans son « Beicht-Wecker », Bochold donne un exemple instructif de la façon inhumaine aussi bien que cynique, avec laquelle on traitait les femmes : « La pieuse Martina, une vierge bien connue non seulement pour sa pureté mais aussi pour sa dévotion, fut traînée au lieu ordinaire des supplices par les grossiers valets du bourreau ; là, on lui enleva tous ses vêtements et on lia la jeune fille, complètement nue et les jambes fortement écartées, à quatre pieux.

« Ensuite on la fouetta jusqu'à ce que sa fine peau pendit en lambeaux sur son corps sanglant, et après que cette torture lui eut été infligée, les bourreaux se jetèrent sur la pauvre fille et lui écrasèrent les seins de telle façon qu'ils ne formèrent bientôt plus qu'une masse sanglante. Puis le corps fut jeté dans le feu et réduit en cendres ».

Ce sont là des scènes dont on ne peut se faire une idée et qui sont bien plutôt dignes de cannibales que de fervents sujets de la Sainte-Église Catholique et Romaine. La loi Theresia marque tout autant d'inconsciente cruauté, lorsqu'elle prescrit l'arrachement des seins au moyen de pinces rougies, pour aggraver la peine de mort, et les supplices dont elle règle les actes sont autant de scènes qui ne le cèdent en rien comme cruauté, à ce que nous venons de citer. L'article 194 de la loi Caroline préconise également ce procédé. Rothern raconte que les hommes subissaient aussi le supplice de l'arrachement des seins, et les exécutions que nous avons racontées notamment celle de Damiens et celle de Ravaillac, confirment le récit de l'écrivain allemand. L'histoire de la ville de Wimpfen contient des exemples curieux de l'application de cette peine, non pas qu'elle y fut employée, mais parce que les habitants la subirent au temps des invasions slaves.

La destruction des dents

Nous avons affaire, ici, avec un procédé extrêmement ancien, qui disparut vers la fin du Moyen Age et dont les codes qui datent de cette époque ne parlent même pas. Il est aussi difficile de le ranger au nombre des peines corporelles que de prétendre que l'ablation des seins n'est qu'une mutilation, car la destruction d'une ou de plusieurs dents n'est pas, à proprement parler, une mutilation. Cependant, puisque l'on considère que l'écartement d'une partie du corps est une peine corporelle destinée à provoquer une douleur physique et à laisser une marque permanente, on peut admettre à la rigueur que la destruction des dents est un châtiment assimilable à une mutilation.

Les premiers chrétiens furent largement tributaires de ce procédé plutôt arbitraire que régulier, et dans certains cas, la brutalité des persécuteurs ne se bornait pas à détruire les dents, mais la mâchoire tout entière se brisait sous leurs coups. Sous l'empereur Decius, cette cruauté fleurit d'une façon remarquable. Ce n'était cependant pas une punition, mais une manière comme une autre de faire souffrir les chrétiens. Par contre, dans les pays d'Orient, en. Perse notamment, la destruction des dents était un châtiment qu'on appliquait surtout aux usuriers.

Les Chinois pratiquaient aussi la destruction des dents, et un grand nombre de voyageurs prétendent que cette coutume subsiste encore de nos jours. En Espagne, ce châtiment était appliqué aux faux témoins. En Allemagne, on le connaissait depuis longtemps et on l'appliquait fréquemment, selon des ordonnances précises. On trouve, dans de très anciens actes, diverses formules qui prouvent que 'ce procédé était exécuté par le feu, probablement avec un fer chauffé à blanc. Le patient avait le choix cependant, ou d'avoir les oreilles coupées, ou les dents détruites. On ne connaît pas la manière d'appliquer ce châtiment ; brûlait-on la joue afin d'atteindre les dents, ou bien pratiquait-on tout simplement la destruction des dents avec un fer chaud, sans détériorer les lèvres et les joues, aucun acte ne le dit. La législation n'a pas jugé nécessaire de décrire un usage probablement très commun. Qu'il nous suffise de savoir que la destruction des dents était un châtiment très ancien, largement appliqué, et qui servait à punir de petits délits, quand il n'était pas le geste d'une volonté arbitraire.

Le supplice de la scie

Le démembrement du corps humain a été pratiqué, chez tous les peuples, de diverses manières. Que ce supplice soit en lui-même un des plus cruels et des plus odieux, cela ne fait aucun doute, et les moyens employés révèlent suffisamment le degré de bestialité de ceux qui les ordonnaient et qui les exécutaient. La méthode la plus horrible qu'on ait jamais pratiquée est le démembrement au moyen de la scie. La Sainte-Écriture connaît déjà cet affreux supplice, ainsi que le prouve la citation suivante, du IIe livre de Samuel : « David rassembla tout le peuple et marcha sur Rabba ; et il l'attaqua et la prit. Et il enleva la couronne de leur roi de dessus sa tête ; et elle pesait un talent d'or, et était garnie de pierreries ; et on la mit sur la tête de David ; et il remporta de la ville un très grand butin. Quant aux habitants, il les fit sortir, et les mit sous des scies et sous des herses de fer et sous des haches de fer, et les fit passer par des fours à briques. Il traita ainsi toutes les villes des fils d'Ammon. Puis David et tout le peuple retournèrent à Jérusalem ». On n'employait cependant pas toujours des scies de fer et on leur préférait des scies de bois. D'après Turtillan, le prophète Esaïe fut mis à mort au moyen d'une scie de bois. Suivant Gothofried, l'évêque d'Otrante en Calabre, âgé de 70 ans, fut coupé en morceaux avec une scie en bois par le général turc Acomoth, en 1480. Mais les deux historiens que nous venons de citer négligent de nous apprendre quelle était la façon de procéder des exécuteurs.

Suivant une gravure sur bois de Lucas Cranach, le condamné était lié, entièrement nu, par les pieds, à deux poteaux fichés en terre. Les bras étaient attachés au pied des poteaux ; certains auteurs prétendent que les bras restaient libres. Puis, avec la scie, on séparait le corps en deux parties égales.



Gravure sur bois de Lucas Cranach

Mais la gravure de Cranach, comme nombre d'autres gravures d'artistes célèbres ou inconnus, ne constituent pas une preuve. Rares étaient les artistes qui avaient vu les scènes que traduisait leur burin ou leur pinceau; généralement, ils imaginaient et composaient le sujet qu'ils représentaient. La fantaisie des artistes a certainement décrit ce supplice d'une façon beaucoup plus cruelle qu'il n'était en réalité. Avant tout, ce qui témoigne contre la vérité de la gravure de Cranach, c'est qu'il est matériellement impossible avec une scie en bois, de partager exactement la colonne vertébrale dans le sens de la longueur. Donc, en cas d'emploi de la scie en bois, l'opération consistait vraisemblablement à séparer le bassin du tronc. Mais comme nous ne possédons aucun acte, à l'appui de notre supposition, il nous est possible de conclure que les cas illustrés par Lucas Cranach sont peut-être véridiques. Le supplice de la scie fut en honneur chez les Grecs et les Romains. Il fut également intro- duit en Allemagne.

Pendant les persécutions religieuses, les chrétiens subirent principalement cette mort atroce, et cela est une preuve que la justice officielle ne voulut jamais accepter ce moyen de répression, qui trouva plutôt son emploi là où la tyrannie et l'arbitraire donnèrent libre cours aux instincts de cruauté. En tous cas, l'Orient peut revendiquer l'honneur d'avoir légué cette horrible punition aux peuples européens. Si l'on s'en rapporte aux allégations d'un historien aussi véridique qu'Erasmus Franciscus, on apprend que les Persans liaient leur victime entre deux planches et sciaient le tout ensemble dans le sens de la longueur. Pour cela, on devait employer de très fortes scies en fer ; si l'on avait celles-ci sous la main, et si l'on ne craignait pas là fatigue— ce qui n'était jamais le cas, lorsqu'il s'agissait d'une aussi atroce exécution —, la position d'un corps lié entre deux fortes planches était certainement très pratique, car il est évident que le dépècement, bien qu'un peu plus lent, n'en était que plus sûr; de toutes façons, la scie travaillait plus exactement que sur le corps suspendu et oscillant du tableau de Cranach.

Cependant, quelques soient les perfectionnements appliques, il est clair que ce procédé d'exécution était particulièrement incommode, et justement, cette incommodité a enrayé le développement et l'emploi général de ce genre de supplice. Si l'on voulait dépecer un corps, il y avait bien d'autres moyens qui permettaient d'atteindre le même but.

La castration

On ignore quels furent les premiers hommes qui pratiquèrent l'art de détruire le faculté de reproduction de l'espèce humaine. Il n'est pas rare qu'on accuse de la découverte de cet art la reine assyrienne Sémiramis ; mais aucune preuve ne permet d'accepter comme fondée cette supposition. Il n'en est pas moins vrai que ce moyen fut connu de la plus haute antiquité et appliqué comme châtiment. On punissait ainsi tous ceux qui se rendaient coupables de crimes contre la pudeur, ainsi que ceux dont on voulait empêcher qu'ils n'aient une descendance ; la croyance à l'hérédité des tares paternelles justifiait amplement l'application de ce procédé. Les premiers vestiges de la castration, en tant que châtiment, se retrouvent chez les Égyptiens et les Perses, mais il n'est pas possible d'affirmer que l'Assyrie fut le berceau de cette coutume.

Quoi qu'il en soit, la cause initiale du châtiment de la castration fut le désir d'empêcher que les criminels puissent se reproduire ; ce fut une sorte de prophylaxie criminelle. On a prétendu que la castration était une peine sexuelle ; celâ est faux, car, en réalité, les peines sexuelles n'ont jamais existé et ne purent pas exister de par la nature même de la chose. Si un homme, dégénéré par là débauche et les excès, éprouvé une maladive impulsion à faire subir à une autre personne des Souffrances corporelles, si la vue des spasmes douloureux ou même si l'endurance des souffrances personnelles peut produire une sensation Voluptueuse, comme, par exemple, le Masochisme ou le Sadisme, cela n'a absolument aucune analogie avec les soi-disant châtiments sexuels, non plus qu'avec la punition telle que la pratiquait les Perses ou les Égyptiens. La castration ne fut pas toujours tin châtiment ; on châtra dés hommes afin d'en faire les serviteurs fidèles et inoffensifs de certaines femmes ; c »était un moyen radical de les préserver des aiguillons dé la chair. Les eunuques des harems musulmans sont, dit-on, des serviteurs aussi consciencieux que peu dangereux, et constituent une garde dé tout repos. Dans l'ancienne Rome, On fabriquait déjà des eunuques, mais on s'aperçut que la castration ne suffisait pas à détruire leurs pulsions et bientôt les eunuques eurent la réputation d'être de dangereux séducteurs ; pendant la décadence, chaque matrone romaine voulait avoir son eunuque afin de pouvoir se livrer, sans crainte de suites, au plaisir amoureux. Et cela dura jusqu'à la fin de la puissance romaine, qui vit se disperser cette sorte de serviteurs. Moins les eunuques, la castration fut pratiquée pendant fort longtemps, comme punition, et elle est même prescrite dans les lois de l'antiquité germanique. Elle était employée surtout contre les esclaves, contre les voleurs ou les impudiques.

On rencontre très fréquemment la clause restrictive de l'amende, c'est-à-dire, le choix entre la peine de la castration et le payement d'une somme d'argent. Le vieux code suédois connaissait cet usage. On trouve la peine de la castration dans la loi salique, dans les capitulaires et les décrétales, dans la lex Visigothorum ainsi que dans nombre de vieilles ordonnances d'État. Ainsi, la loi de Mayence dit : i Lorsqu'un citoyen surprend un Juif en train de forniquer avec une femme ou une fille chrétienne, il les arrêtera tous les deux. On devra couper au Juif les signes de la virilité et lui crever un œil, et on fouettera la femme ». L'amputation complète de la virilité fut très souvent pratiquée, pendant les guerres, contre les ennemis vaincus ; cependant cette coutume n'a aucun rapport avec le châtiment prescrit par les lois. La castration fut complètement abolie, dans les pays chrétiens, bien avant la fin du Moyen âge. L'article 133 de la loi Caroline punit de mort celui qui provoque la stérilité chez un homme ou chez une femme, et prescrit que l’homme qui se sera rendu coupable de ce crime, sera décapité par le glaive ; si c'est une femme, elle sera noyée. La loi Theresia n'était guère plus tendre, car le paragraphe 4 de l'article 8 menace de la décapitation aussi bien la femme que l'homme.

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