ACCRA, 13 avril 2001 (AFP) - La plainte récemment déposée par une "sorcière" ghanéenne contre son frère a mis au jour les brimades et violences dont sont victimes dans ce pays des dizaines de vieillards, principalement des femmes, accusés de sorcellerie.


Si le phénomène n'est pas nouveau, le nombre de cas rapportés est en augmentation, tandis que les autorités et la police semblent démunies.

Début avril, Janet Abra Wuo, une habitante de la région du Volta (nord-est) âgée de 80 ans, a porté plainte contre son frère, chef traditionnel local, et dix autres personnes, pour accusation calomnieuse.

Son frère l'avait déclarée coupable de sorcellerie, la condamnant à payer quatre bouteilles de gin en compensation à ses "vicitmes". L'octogénaire avait également été ostracisée par toute la population du village.

Une de ses "victimes", un instituteur du nom de Devine Kwami Dzah, l'accusait d'avoir par ses pratiques occultes vidé son compte en banque et rendu impuissant.

Esther Asempa, 75 ans, a elle été amputée des deux mains à coup de machette par son neveu au mois de janvier. Mais l'attaque n'a été rendue publique qu'en avril, après qu'un de ses proches a saisi la police.

Kofi Kaachire, le neveu, qui n'a pas encore été poursuivi, a affirmé avoir appris "en consultation" que sa tante était responsable de sa longue période de chômage.

D'après un haut responsable de la police interrogé par l'AFP, la législation en vigueur n'est pas assez rigoureuse: "Nous avons recommandé de renforcer les lois et de condamner lourdement les prêtres traditionnels et autres herboristes qui incitent les gens à s'attaquer à ces vieux".

Un ou deux cas semblables sont signalés par mois, selon cette source qui estime cependant que "beaucoup d'autres ne sont pas signalés car agresseurs et victimes sont souvent de proches parents".

Kofi Sarpong, diplômé de 35 ans qui avait sombré dans la boisson au point de perdre plusieurs emplois de suite, avait été "informé" par un prêtre traditionnel que sa mère et sa grand-mère étaient la cause de ses problèmes.

Décidé à briser ce sort, Sarpong s'enivra, puis attaqua ses ascendantes à la machette. La grand-mère succomba, la mère resta mutilée à vie.

Le fils "envoûté" fut un des rares condamnés pour ce genre d'attaques, et purge une peine de cinq ans de travaux forcés.

Dans le nord du Ghana existent deux "villages de sorcières", où vivent plus d'une centaine de vieillards, bannis de leurs communuatés d'origine sous accusation de sorcellerie.

Selon le marabout, chef d'un de ces villages, interrogé récemment dans la presse locale, il s'agit principalement de personnes que leurs familles ont refusé de reprendre en leur sein après les avoir envoyé se faire désenvoûter.

Tina Yeboa, médecin à l'hôpital Korle Bu d'Accra, le principal du pays, relève que l'accusation de sorcellerie est souvent le fait de femmes ne pouvant avoir d'enfants. "Elles oublient les avortements illégaux auxquels elles ont eu recours dans leur jeunesse", qui expliqueraient souvent selon elle leur stérilité.

Le père Andrews Agyemang, prêtre catholique, accuse pour sa part les prêtres et herboristes des religions traditionnelles de "dire aux jeunes ce qu'ils veulent entendre" et de les inciter à s'en prendre à des faibles, accusés de leur avoir jeté des sorts.

"Au lieu de prier pour qu'ils aient la foi et la force, il préfèrent montrer du doigt les vieillards", regrette-t-il.






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